2               Notions  de psychophonie

La psychophonie, comme nous l’avons vu, est une démarche novatrice dans l’enseignement de la pose de voix. Ce travail se fait selon six grands axes définis par le Collège de Psychophonie Marie-Louise AUCHER:

·        Réceptivité et émission

La qualité de notre émission vocale dépend de notre conscience corporelle et de la justesse de notre réception sensorielle.

·        Les cinq sens

L’enfant découvre le monde extérieur grâce à ses cinq sens. Adulte, nous les utilisons pour découvrir notre monde intérieur et l’enrichir.

·        Voix parlée – Voix chantée

Ces deux aspects de la voix sont indissociables. On ne saurait travailler l’une sans travailler l’autre. Poésie, mélodie, rythme en sont les clés.

·        Le souffle

Au cœur de la vie, il ouvre les portes de la voix.

·        Enracinement et rayonnement

Bâti sur un axe vertical et un axe horizontal, l’être humain trouve son équilibre entre ces deux pôles. La justesse de sa parole et la liberté de son chant en découlent.

·        Harmonisation

La démarche psychophonique permet de relier les différents plans de l’être : physique, énergétique, émotionnel, mental, spirituel et de les harmoniser. La relation à soi et aux autres s’en trouve facilitée et la communication enrichie.

2.1       L’Homme récepteur

La psychophonie, nous l’avons vu est une méthode d’éducation et de rééducation. Elle repose sur la prise en compte de la double faculté de l’Homme, considéré successivement comme :

            -    l’Homme poste récepteur des sons, l’Homme instrument vivant,

-         l’Homme, poste émetteur des sons, en réponse conditionnée correcte aux sons.

Ces deux aspects sont des éléments clés de la communication : recevoir et exprimer.

L’Homme, lorsqu’il se place comme poste récepteur, fait appel non seulement à son oreille qui assume les trois fonctions : audition, équilibre et fourniture d’un potentiel électrique au cerveau, mais également à une sensibilité tactile et nerveuse grâce à quelque 600 000 récepteurs sensoriels qui transmettent eux aussi des informations sonores aux zones cérébrales.

Les sons sont traités en pénétrant dans le domaine de la conscience. S’ils sont évalués par rapport à leur fréquence vibratoire, ils évoquent le plus souvent une image mentale et affective à l’être qui reçoit le message. Cette image, qui se constitue dès l’enfance, est conditionnée par le degré de réceptivité sensorielle, mais également le climat affectif.

Ainsi ce qui est communément appelé “ l’oreille ” dans le sens “d’avoir une bonne oreille”, résulte selon Marie-Louise AUCHER du conditionnement harmonieux d’une intégration des sons et de la voix humaine en fonction de l’intégrité des organes concernés et du climat heureux de l’enfance.

L’orthophonie intervient lorsqu’une éducation sensorielle de l’oreille s’impose qui permettra d’améliorer la puissance des organes de l’audition ou d’en rétablir le fonctionnement. L’orthophoniste vérifie et corrige les fonctionnements  dont les troubles et les effets marient l’organe à la sensation.

Cependant, lorsque ces troubles persistent alors que l’harmonie règne entre les organes et leur commandes nerveuses, une origine affective doit être envisagée pour laquelle la psychophonie peut intervenir.

Le psychophoniste, lors de sa formation acquiert les connaissances de base de l’orthophonie ainsi que les différentes étiologies psychologiques d’une dysharmonie d’expression parlée ou chantée. Il utilise toutes les facultés de l’Homme récepteur, tous ses sens : l’audition et le tact  principalement mais également la vue, le goût et l’odorat afin de marier respiration, décontraction et expression.

Alors que nous avons tous plus ou moins conscience du travail localisé au niveau de la tête pour la parole et le chant, il nous est moins familier de considérer notre corps tout entier comme instrument vibrant et ce autant à l’émission des sons qu’à leur réception. Pourtant, la résonance est un phénomène acoustique ordinaire : il s’agit de la mise en vibration d’un matériau lorsqu’il est environné par un son de la même fréquence que la sienne.

Par l’expérience, il est possible de retrouver échelonné depuis le                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                           haut du crâne jusqu’au bas des pieds, la place d’élection des sons de la voix humaine : depuis le Do 2 jusqu’au Do 6. (cf. annexe n°1)

 On constate ainsi 34 plages de résonances, chacune répondant à sa propre fréquence. On remarque une sensibilité plus importante des zones très ossifiées que sont les jambes, la colonne vertébrale et la tête. Les sons les plus graves sont ressentis dans le bas du corps jusqu’aux pieds alors que les sons les plus aigus sont localisés dans le haut du corps jusqu’à l’apex du crâne.

La facilité et l’intégrité de la voix chantée seront proportionnelles à l’intégrité des régions du corps sollicitées en résonance par tel ou tel son. Il a été constaté que lorsqu’un organe est altéré, toute la région horizontale correspondante rendra un son plus mat ou au contraire trop vibrant. Ceci se vérifie par l’épreuve de résonance aux sons : examen de vérification du poste « récepteur », par lequel le professeur investigue les facilités ou les difficultés de son élève.

Cette échelle des sons dans l’Homme coïncide parfaitement avec les points d’acupuncture du « Vaisseau gouverneur des forces physiques et psychiques », tracé très important

dans l’équilibre entre les forces nerveuses et les organes situés sur le trajet de ces points.

Schéma tiré de AUCHER Marie-Louise

Les plans d’expression. –2ème édition. – (Coll. Art et réalité thérapeutique)

Paris : Epi S.A. Editeurs, 1977. –150 p. – p.28.

Or l’acupuncture est elle aussi, un procédé visant à rétablir un équilibre vital compromis; on comprend alors toute l’importance des vibrations sur le corps humain.

2.2     L’Homme émetteur

Lorsque l’Homme se place comme poste émetteur, l’émission mobilise en lui les mêmes régions de travail dynamiques que celles qui reçoivent les sons et les vibrations dans le travail de l’Homme récepteur.

Ces régions sont le corps avec ses plages vibrantes pour l’amplification du son et enfin l’Homme en action par le souffle.

Le souffle est dynamisé par la pression de la sangle abdominale.

Le diaphragme en égalise le débit conditionné à la force requise et à l’expression désirée. Le timbrage, l’articulation, la voyellisation sont dévolus à la tête, à la mâchoire, à la langue et aux dents.

Une attitude ferme et rigoureuse des jambes, et élastique des jambes, des fesses et de la taille pour le tonus et l’expression est nécessaire pendant toute la durée de l’émission vocale. La musculature et la tenue en souplesse devront donc être revus.

La direction de l’acte phonatoire deviendra lucide et docile lorsque le chanteur aura senti et identifié les « plages de sensations » qui sont localisées dans des régions anatomiques bien précises : estomac, poitrine, bas ventre ainsi que la zone dite du « masque » : zone triangulaire dont la pointe se trouve sur la lèvre supérieure et la base au niveau du sinus frontal. Toutes ces plages sont confirmées par le Laboratoire de physiologie de la voix de la Sorbonne qui leur reconnaît une capacité vibratoire importante. Les chanteurs utilisant leur voix à grande puissance y ressentent des sensations de force, d’appui, de pression, arrivant en flux et reflux, comme sur une plage arrivent les vagues.

Attirer l’attention de l’élève sur la création et la perception de ces plages de sensation est peu aisée. Le travail de pose de voix peut-être facilité par un travail sur des onomatopées dont l’émission répond aux régions recevant les plages sensorielles. Ces onomatopées qui ont été créées par Marie-Louise AUCHER, sont des exclamations spontanées exprimant des sentiments émotifs, par exemple : Oh, Ah, Hé-hé, etc. Il suffit de savoir provoquer psychologiquement chez l’élève une réaction émotive pour lui faire connaître les plages de sensations, les reconnaître, les identifier et les maîtriser. Il pourra alors établir le schéma des points de vibrations du chanteur. De ce travail découlera une connaissance et une maîtrise de lui-même. (cf. schéma ci-dessous)

La chaîne ganglionnaire, pièce maîtresse du système sympathique, joue un rôle important dans l’étude des sensations. En effet, la succession des ganglions depuis le bulbe rachidien à la base du cou jusqu’au bas ventre au niveau des ganglions sacrés présente plusieurs plaques réunissant de nombreuses fibres nerveuses. Ces plages sont les récepteurs de nos émotions et nous les sentons réagir d’une façon très perceptible aux messages venus de l’extérieur au fur et à mesure du travail.

Les onomatopées  s’appuient toutes à l’une ou l’autre de ces plages sensibles qui sont à la fois lieux récepteurs et lieu de travail émetteur. Nos émotions prennent leur identité à partir de ces frémissements et les recréent en expression modulée pour la parole et pour le chant. La psychophonie utilise des vocalises spéciales pour cette identification qui permet le développement d’une virtuosité vocale avec naturel , en toute logique.

C’est le cerveau qui filtre tous ces messages d’intégration ou de recréation. Ce dernier concourt à harmoniser la réception des messages venant de l’extérieur et à leur apporter une réponse à l’aide de 3 zones essentielles :

-         La région thalamique reçoit la qualité émotive et affective des messages plus que le message lui-même qui se colore d’attrait ou de répulsion. En effet, le thalamus sert de relais général à toutes les formes de sensibilité. L’excitation de ces diverses régions du thalamus permet d’obtenir toutes les réactions émotionnelles, qu’elles soient somatiques ou viscérales.

-         Le cortex permet la conscience du message qui devient intelligence lucide. En effet, le cortex est divisé en une série d’aires caractérisées par autant de structures différentes pour lesquelles correspond une forme particulière d’activité.

-         En avant, les lobes préfrontaux évaluent la réponse à donner aux messages reçus, perçus, identifiés et classés. Ces lobes occupent le sommet de la hiérarchie nerveuse.

Ce sont ces trois zones qui nous permettent de faire un choix sélectif et volontaire.

Ainsi la possibilité d’identifier dans un acte conscient et volontaire les sentiments et les puissances actives de notre être, établit une jonction entre les différents plans et réalise l’harmonie vitale dont la pose de voix favorise le climat.

L’art du maniement et de l’utilisation de la respiration est longtemps resté le privilège de l’Orient. En psychophonie, elle est pratiquée dans ses trois aspects : costal, abdominal et cérébral, et apporte soit une oxygénation meilleure et une circulation activée, soit une pacification et une décontraction remarquables.

2.3      L’art psychophonique

« Lorsqu’une méthode comprend une révision des prises de consciences sensorielles, autant sur le plan physique que sur tous les plans le débordant et le prolongeant, on peut, semble-t-il, lui reconnaître le bénéfice d’une harmonisation vitale pratique. Telle est l’optique selon laquelle nous avons depuis le début de nos expériences, classé les phénomènes Parole et Chant, à l’encontre de l’optique qui ne les envisage qu’en fonction des connaissances et de l’apprentissage de l’interprétation professionnelle spectaculaire(7)

 

Partout la souplesse de cette technique humaine a eu les plus heureux résultats et au sein de la psychophonie de multiples applications sont apparues  : enseignement du chant, thérapie de l’audition, de la voix et de la parole, éducation de la personnalité et de l’expression par l’art dramatique, éducation et découverte du corps et éveil de la personnalité chez les petits enfants, préparation à la naissance, ajustement des structures affectives parents-enfants après la naissance, psychomotricité par le chant, conscience intime de soi-même par le chant collectif, le chant psychophonique à la crèche et au jardin d’enfant, pose de voix fondamentale des chœurs et des chorales. D’autres applications peuvent encore être exercées méthodiquement : psychothérapie légère, science acoustique, acupuncture vocale, dynamique des groupes.

Cette diversité s’explique parce que cette méthode prend l’Homme dans sa construction primordiale, elle lui tend un miroir pour se connaître par analyse, et lui offre les points de jonction entre tous les plans, en synthèse.

 

 

 

 

 

 

 

 

(7) AUCHER Marie-Louise, Les plans d’expression, op. cit. –p.33.